Représentations et zonages des densités démographiques de la Chine
**
La densité démographique exprime le lien entre une population et son espace. Selon l’échelle géographique choisie, sa représentation change et amène différentes perceptions du territoire. Plus la taille de l’entité géographie diminue et plus la précision et le contraste des densités démographiques augmentent. Ce changement d’échelle et donc cette désagrégation des données transforme la vision globale en une vision locale.
La démographie de la Chine
Regroupant près d’un cinquième de la population mondiale, soit 20 fois plus que la France, la Chine apparaît, avec l’Inde, comme une puissance démographique. Avec 1,35 milliard d’habitants pour une densité de 139 ha / m², ces volumes se répartissent au sein d’un découpage administratif établit en 5 niveaux hiérarchiques, composés eux-mêmes de subdivisions.
La répartition de la population à travers ces entités géographiques reste cependant très hétérogène, sans exprimer la discordance et la dissymétrie à l’échelle nationale. La population se concentre sur les provinces au statut particulier, en termes de densité, sur le littoral Est comme Macao, Hong-Kong, Beijing ou Shanghai, ou dans les provinces centrales, en termes de quantité intrinsèque, comme celles de Guangdong, Shandong, ou du Sichuan. En revanche, l’Ouest du Pays, couvert par les minorités ethniques, est, par opposition, dépeuplé.
Les différences de perception par le changement d’échelle
© Kamisphere 2014
A l’échelle des provinces, l’opposition entre l’Ouest et le Sud-Est apparaît clairement. Cette diagonale met en évidence le vide dans les régions de Xinjiang, du Tibet, du Ningxia et de la Mongolie-Intérieure, ainsi que dans les provinces de Gansu et du Qinghai. Ces faibles densités s’expliquent par les composantes paysagères, notamment le plateau tibétain, les chaînes montagneuses et les zones désertiques.
En passant à l’échelle des préfectures, un nouveau contraste se dessine. Si l‘on retrouve toujours la structure diagonale, les grands foyers densément peuplés se précisent. Ainsi, le Bassin du Sichuan et le littoral chinois émergent par rapport à l’échelle des provinces.
Les limites administratives du niveau 3, celles du district, affinent encore notre perception des densités. Les grandes villes ressortent et les vides s’accentuent. A cette échelle, la population de la Chine intérieure semble répartie de façon hétérogène.
En passant de petites entités géographiques à de plus grandes, l’agrégation des zonages produits un lissage statistique des données. La lecture des données est moins détaillée mais plus simplifiée.
Afin de pouvoir apprécier les différences de densité d’une échelle à l’autre, il est possible de considérer la densité d’un district, comme étant la valeur réelle, avec la densité de sa province, comme étant la valeur théorique géographique. Pour cela, une pondération entre la différence absolue et la différence relative entre les deux unités permet de créer un indicateur montrant si la densité démographique d’un district est proche ou non de la densité démographique de la province à laquelle il appartient. Ce croisement permet de limiter l’influence de la différence relative des valeurs faibles et d’atténuer le poids des écarts absolus entre les valeurs fortes. On constate ainsi que la province du Sichuan présente la plus forte hétérogénéité démographique lorsque l’on passe d’une échelle à une autre.
Mesurer le zonage par l’autocorrélation spatiale
Afin de confirmer la présence d’une structure spatiale, l’autocorrélation spatiale permet de mesurer l’influence du voisinage. Les indicateurs locaux d’association spatiale (LISA), développées par L. Anselin [1995], vont permettre une analyse désagrégée du niveau de ressemblance entre voisins à l’échelle locale. Cette méthode va permettre, dans notre cas, de faire émerger des tendances régionales par le biais de propriétés spécifiques [Oliveau S., 2010], avec un voisinage de contiguïté d’ordre nodale.
Les résultats montrent clairement 3 zones bien distinctes. La première est celle représentée en bleu foncé, sur l’ensemble de l’Ouest chinois et une partie du Nord. Les districts sont faiblement denses et il y a une homogénéité entre un district et ses voisins par rapport à cette donnée. Les 2 zones suivantes affichent le même profil. Elles sont composées de districts densément peuplés avec un voisinage également densément peuplé. Ce sont les zones correspondant au bassin du Sichuan et à la Grande Plaine de la Chine du Nord. Avec ce zonage, on retrouve une opposition démographique Ouest-Est, ainsi qu’une concentration des districts ayant les mêmes caractéristiques de forte densité dans 2 foyers à l’Est. De ce fait, on constate une logique spatiale dans ces 3 zones mais aussi une répartition plus aléatoire de la population pour les districts ayant une valeur non significative.
Ainsi, les différentes représentations cartographiques de cette réalité géographique modifient notre perception des dimensions démographiques et spatiales de la Chine. Le maillage, le zonage et les vides sont autant d’éléments qu’il convient de prendre en considération dans l’analyse d’un phénomène.
Bibliographie :
Anselin L. (1995), « Local Indicators of Spatial Association – LISA », in Geographical Analysis, vol. 27, n° 2, Columbus, Ohio State University Press, avril 1995, pp. 93-115.
Attané I, (2011), Au pays des enfants rares / La Chine vers une catastrophe démographique, Paris, Fayard, coll. Documents, 2011, 280 p.
Guilmoto C. Z., Oliveau S. (2007), « Sex ratio imbalances among children at micro-level : China and India compared », in Population Association of America, éd. 2007, New-York mars 2007, 18 p.
Moran P. A. P., (1950), « Notes on continuous stochastic phenomena », in Biometrika, vol. 37, n° 1/2, Oxford, Oxford University Press, 1950, pp. 17-23.
Ner G., Raby A. (2013), Représentations et zonages des densités démographiques de la Chine, Poster scientifique, Saint-Dié-des-Vosges, Festival international de Géographie, 24ème éd., octobre 2013, 1 p. (http://www.cndp.fr/fig-st-die/2013/approches-scientifiques/expositions-scientifiques/posters-scientifiques/poster/article/lantigeographie-de-la-demographie-chinoise.html)
Oliveau S. (2010), « L’autocorrélation spatiale : leçons du changement d’échelle », in L’espace géographique, vol. 39, Paris, Belin, 2010/1, p. 51-64.
Pressart R. (1958), « La population de la Chine et son économie », in Population, vol. 13, n° 4, Paris, INED, pp. 569-590.