La vie des dessins animés
**
Aujourd’hui, les dessins animés sont très largement présents à la télévision et bénéficient de tranches horaires spécifiques pour leur diffusion. La longévité de certains d’entre eux est due au succès rencontré par les licences exploitées. La popularité d’un dessin animé s’entretient à différents niveaux : les thématiques, les supports parallèles et les effets de mode. Il est ainsi intéressant d’étudier la longévité de certains d’entres eux.
Aux origines de l’animation
Les débuts du dessin animé ont commencé à la fin du XIXème siècle. Plusieurs œuvres peuvent être considérées comme étant les prémices de l’animation.
En 1892, Émile Reynaud projette, à l’aide de son invention le Théâtre optique, son spectacle des Pantomimes lumineuses. Il s’agit d’un mécanisme de miroirs tournants projetant des dessins faits mains. De nouveaux procédés se développent par la suite, avec notamment le principe de la manivelle. Humorous Phases of Funny Faces, œuvre de James Stuart Blackton, se présente en 1906 comme le premier dessin animé sur support argentique. Durant 3 minutes, des visages et des personnages dessinés à la craie accomplissent des actions simples. L’aboutissement s’illustre avec l’œuvre d’Émile Cohl, Fantasmagorie. Projeté en 1908 à Paris. Ce film animé relate les aventures d’un petit clown pendant une centaine de secondes [Michaud P.-A., 2007].
Les premiers héros
Ces premières œuvres ont alimenté les bases des dessins animés actuels, ne serait-ce que par le contenu humoristique et le principe de projection. Quelques années plus tard, les personnages de Mickey Mouse ou Donald, créés par Walt Disney, ou ceux de Tex Avery comme Bugs Bunny et Daffy Duck, démocratiseront l’animation en lui adjugeant un succès populaire vers la moitié du XXème siècle.
Dans les années 40, Superman ouvrira la série des comics américains adaptés en dessins animés. Le genre est alors nouveau avec l’apparition de héros aux super-pouvoirs au détriment des animaux humanisés comiques. Batman et Spiderman prendront le relais quelques années plus tard, avec un nouvel élan au début des années 90, en France [Fouillet A., 2009].
A partir des années 70, Osamu Tezuka tend à populariser les animations japonaises que sont les mangas (notamment avec le Roi Léo et Astro le petit robot), en s’inspirant des œuvres occidentales [Peignot J., 2006]. Ce type de dessins animés sera alors abondamment diffusé en France jusqu’à son apogée dans les années 80-90, avec Dragon Ball et les Chevaliers du Zodiaque [Bouissou J.-M., 2006].
Le succès des licences
Les dessins animés les plus répandus sont ceux qui recensent une thématique fantastique. Les dessins animés de notre classement ont comme point commun des protagonistes qui demeurent être des super-héros, affrontant des monstres, et possédant des pouvoirs magiques [Fouillet A., 2009]. Lorsqu’ils n’entrent pas dans ce cadre-là, l’accent est mis sur les effets humoristiques pour compenser ces capacités extraordinaires (les Simpson, Tom et Jerry, Bob l’Éponge).
Si les pouvoirs de nos héros de dessins animés leur assurent une popularité, la longévité de leur production s’entretient avec les supports qui les entourent. Si certains d’entre eux sont des œuvres originales (comme Mickey Mouse), d’autres sont des adaptations de bandes dessinées ou de jeux-vidéos. Les mangas japonais comme Naruto ou Bleach et les comics américains autour des héros Marvel illustrent la réussite de l’adaptation du support papier au support vidéo. D’autres, comme Pokémon, puisent leur source d’inspiration dans les jeux-vidéos et se déclinent en jeux de cartes [Chevaldonné Y., Lafrance J.-P., 2009]. Enfin, certaines licences comme Spiderman s’exploitent sur une multitude de supports et de produits dérivés (comics, dessins animés, films, jouets, fournitures, etc.). Ces productions dérivées contribuent très largement au succès de ces licences et aboutissent encore à d’autres produits dérivés qui permettent de faire perdurer cette popularité, et ce même si ces dessins animés ne sont plus produits en série inédite (Mickey Mouse ou Dragon Ball).
La longévité des dessins animés
Au-delà d’un aspect financier, mesurer le succès et la popularité d’une licence peut se faire par sa présence à la télévision, en fonction du nombre d’épisodes, du nombre de séries produites ou de sa durée de diffusion.
Établir un classement sur l’ensemble des dessins animés en fonction du nombre d’épisodes nécessite des ressources difficilement accessibles. Le recensement de ces données paraît complexe, pour plusieurs raisons. D’une part, le nombre des dessins animés existants jusqu’à nos jours semble difficilement quantifiable (probablement entre 4 000 et 6 000 dessins animés existants). D’autre part, le format proposé est différent d’une série à l’autre (certains dessins animés sont découpés en épisodes, d’autres en segments, avec des durées variables). Enfin, il faut prendre en compte le fait qu’une licence (comme Batman par exemple), peut être déclinée en différentes séries. Nous avons arbitrairement considéré un panel de dessins animés connus des Français. Le nombre d’épisodes (ou de segments) des éventuelles différentes séries est ici cumulé par licence (au 1er avril 2014).
Au sein de notre classement, les dessins animés japonais et américains occupent les premières places par rapport au nombre d’épisodes réalisés (sans forcément avoir tous été diffusés). Pokémon occupe très largement la tête de ce classement avec plus de 800 épisodes réalisés depuis 1997, suivi par Yu-Gi-Oh avec plus de 750 épisodes depuis 1998. La série Détective Conan, moins connue, occupe la troisième place, avec plus de 700 épisodes mais seulement 200 d’entre eux ont été diffusés à la télévision française. Il faut remonter à la sixième place pour positionner une licence américaine telle que Batman, avec plus de 550 épisodes. Néanmoins, ces derniers sont répartis au sein d’une dizaine de séries différentes depuis 1968. On trouve, par la suite, les Simpson, qui entamera sa 26ème saison en automne 2014 et Tom et Jerry, licence exploitée depuis 1940.
Toutefois, ces chiffres restent très éloignés du podium des dessins animés proposant le plus d’épisodes au monde. Le dessin animé Sazae-san, diffusé depuis 1969 au Japon, détient le record du monde avec plus de 7 000 épisodes réalisés à son actif (toujours en cours). Doraemon, (série japonaise arrêtée) avec 1787 épisodes et Nintama Rantaro (toujours en cours) avec plus de 1700 épisodes complètent le podium.
Et si je veux rattraper tous les épisodes manqués ?
Quantifier un dessin animé peut également se faire par la durée de sa diffusion. Ici, nous avons considéré toutes les séries d’une même licence en multipliant leur nombre d’épisodes par leur durée respective.
Le classement n’évolue que très peu par rapport au précédent mais certaines licences souffrent de leur format (des segments de 3 minutes plutôt que des épisodes de 25 minutes) et demeurent moins longs que ce que l’on pourrait supposer.
Si vous avez raté l’intégralité des épisodes de Pokémon, sachez qu’il vous faudra environ 12 jours, 1 heure et 6 minutes non-stop pour rattraper votre retard sur plus de 800 épisodes. Il vous faudra également plus de 10 jours consécutifs pour les séries de Yu-Gi-Oh, Naruto, Détective Conan ou One Piece (qui conservent leur place du classement précédent). En revanche, une demi-journée vous suffira pour visionner l’intégrale de Barbapapa ou de la Panthère Rose. Mais la différence de classement la plus notable est celle concernant Tom et Jerry, qui perd 16 places entre son classement par épisodes et celui par sa durée. 2 Jours, 13 heures et 36 minutes suffiront pour regarder les plus de 500 épisodes que le dessin animé comporte, répartis en 5 séries différentes. Dans ce cas, les épisodes sont ici uniquement des segments de 7 minutes (3 segments forment un épisode). A titre de comparaison, les Simpson, qui comporte à peu près le même nombre d’épisodes, nécessite 3 fois plus de temps pour revoir la série entière. Néanmoins, ces durées restent tout à fait acceptables en comparaison avec le dessin animé japonais Sazae-san. Pour regarder tous les épisodes qu’il comporte, il vous en coûtera 1 mois et demi de votre vie, soit environ près de 825 heures de vidéo sans interruption.
Bibliographie :
Bouissou J.-M. (2006), « Pourquoi aimons-nous le manga ? Une approche économique du nouveau soft power japonais », in Cités, n° 27, Paris, PUF, 2006/3, pp. 71-84.
Chevaldonné Y., Lafrance J.-P. (2009), « BD, dessins animés et jeux vidéo, même combat ! », in Hermès, n° 54, Paris, CNRS, 2009/2, pp. 107-115.
Fouillet A. (2009), « De Dédale à Batman. Étude sur un imaginaire contemporain : les super-héros », in Sociétés, n° 106, Paris, De Boeck, 2009/4, pp. 25-32.
Michaud P.-A. (2007), « Pourvoyeur d’irréalité, Fantasmagorie, Émile Cohl, 1908 », in 1895, n° 53, Paris, AFRHC, 2007,pp. 273-281.
Peignot J. (2006), « Représentations ? Manga ! Addictions… », in Empan, n° 63, Toulouse, Érès, 2006/3, pp. 117-127.