Les réseaux de tramway en France
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Après avoir longtemps disparu du paysage français, jusqu’en 1980, le tramway réapparaît dans les grandes villes de l’Hexagone depuis peu. Écologique, pratique et assimilé à l’environnement citadin, le tramway réinvestit l’espace urbain, tout en le réaménageant et en contribuant au développement économique des agglomérations.
Aujourd’hui, ce mode de transport est présent dans 26 villes, et sera bientôt implanté dans 3 autres villes (Besançon, Avignon et Aubagne). Avec plus de 650 kilomètres de voie pour plus de 3 millions de voyageurs quotidiens, le tramway est devenu un des moyens de transport privilégié par les Français, en seulement quelques années. Alors, pourquoi un tel succès ?
Les atouts du tramway
Tout d’abord, ce mode de transport présente de nombreux avantages. Son principal atout est de ne pas polluer et de préserver la qualité de l’air puisqu’il bénéficie d’une motorisation électrique. En phase d’utilisation, sa production de C02 est nulle, alors qu’elle est de 101 grammes de C02 par voyageur au kilomètre parcouru pour un bus de la RATP par exemple, ou de 174 grammes pour une voiture en ville [ADEME, 2008]. Il offre également un mode de transport alternatif au bus et au métro, pour les villes qui en possèdent.
Au-delà de son usage, son impact sur l’environnement urbain est également valorisant. Les nuisances sonores, la pollution mais aussi les aménagements de son trajet sont autant d’atouts qui lui font valoir une bonne image [Foot R., 2009], et, par ailleurs, d’être érigé en belle vitrine pour la ville. Le sondage réalisé par la RTM montre, par exemple, que 96 % des voyageurs se disent satisfaits de la qualité de service du tramway, contre 76 % pour le bus, avec une différence due, en partie, aux embouteillages (sur le réseau RATP, les passagers sont satisfaits à 90 % du tramway, devant le bus et le train). Parfaitement intégré dans la ville, le tramway répond donc à la plupart des besoins de déplacements urbains.
Un impact limité ?
Si la congestion automobile incite à investir dans les transports collectifs, le tramway n’est pas forcément la solution qui permette de désengorger le réseau à moindre coût. Même s’il contribue au développement économique des zones urbaines qu’il traverse, le tramway n’en reste pas moins un investissement conséquent. Son coût de construction au kilomètre oscille entre 10 et 40 millions d’euros [Li S., 2011], bien moins qu’un kilomètre de métro (environ 100 millions d’euros), mais bien plus que pour un bus (entre 160 000 et 320 000 euros pour l’achat du bus, et environ 100 000 euros pour un arrêt aménagé). Ce coût financier limite la tentation de céder au tout tramway [Bu L., Fontanès M., Razemon O., 2010]. Les Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) peuvent offrir un compromis, pour un coût inférieur à 10 millions d’euros par kilomètre, avec un aménagement en site propre (et un esthétique souvent souhaité proche de celui du tramway par les élus).
Au regard des dessertes, le tramway et le métro offrent une régularité dans leur trafic en site propre. Néanmoins, si le métro permet de casser les lignes de la trame urbaine, en circulant notamment de façon souterraine, le tramway suit, bien souvent, le réseau routier déjà existant au prix d’aménagements spécifiques. Même si son niveau de performance est moindre, le réseau de bus permet une desserte quasiment exhaustive du réseau routier. Le tramway doit ainsi s’intégrer dans une intermodalité des transports [Stambouli J., 2005], sans pour autant multiplier les changements successifs entre transports en commun.
La morphologie des réseaux
Le bon fonctionnement et le succès du tramway dépendent également des infrastructures de son réseau. La comparaison entre les différentes morphologies des réseaux des 29 villes françaises qui possèdent (ou posséderont) un tramway et la fréquentation des lignes, montre que certaines situations semblent émerger.
Parmi les tramways les plus utilisés, le réseau de l’Île-de-France occupe la première place avec 700 000 voyageurs quotidiens, suivi de Strasbourg (300 000), Bordeaux (282 000), Nantes (274 000), Lyon (244 000) et Grenoble (210 000). La septième position revient à Montpellier, avec 120 000 passagers par jour, marquant une rupture au niveau de la fréquentation avec les villes restantes. Ces 7 réseaux de tramway se classent logiquement parmi les 8 réseaux les plus longs (de 82 kilomètres pour l’Île-de-France à 29 kilomètres pour Grenoble). Le réseau de Valenciennes s’interfère dans ce classement, avec 34 kilomètres de tracé, mais sans connaître le même rendement que les réseaux précédents avec seulement 28 000 voyageurs quotidiens.
Excepté le réseau parisien qui s’étend en périphérie et qui est largement complété par le métro, les réseaux les plus fréquentés s’organisent dans un quadrillage en étoile [Brunet R., 1990], avec un nœud central ou un centre connecté (comme à Grenoble, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Lyon et Strasbourg) et des arrêtes qui s’étendent jusqu’à l’extérieur de la commune principale. Le tramway assure ainsi la liaison entre le centre-ville et les périphéries.
Les autres réseaux s’organisent principalement de façon linéaire, en formant une chaîne élémentaire (Tours, Angers ou Nancy), avec parfois une bifurcation (Le Mans, Caen, ou Saint-Etienne), traversant la commune d’un bout à l’autre. Enfin, certains réseaux traduisent clairement une volonté politique qui s’inscrit dans une cohérence métropolitaine, en s’étendant bien au-delà des limites communales, comme à Valenciennes [Richer C., Hasiak S., 2012] où pas moins de 13 communes différentes sont desservies, ou bien encore à Lille où le réseau est relié également à Roubaix et à Tourcoing. Cependant, la fréquentation de ces réseaux semble faible par rapport à la population concernée, avec seulement 28 000 voyageurs quotidiens chacun, pour 190 000 habitants pour la métropole valenciennoise (dont 43 000 habitants pour Valenciennes, offrant un bon ratio à cette échelle) et 410 000 habitants pour la conurbation Lille-Roubaix-Tourcoing.
Enfin, on peut noter que certaines villes ont un réseau de tramway peu fréquenté et peu développé, voire inexistant par rapport à leur poids démographique. C’est le cas de Marseille dont le réseau s’étend seulement sur 11 kilomètres de l’Est vers le centre-ville, en montant jusqu’au port autonome, et avec un tracé qui est doublé par le métro. Sa fréquentation n’est que de 53 000 voyageurs quotidiens pour une ville qui compte 850 000 habitants, soit autant que Mulhouse alors que la population y est 8 fois moins importante. On notera également les mauvais scores du tramway à Toulouse et à Lille, par rapport à leur population. Enfin, Rennes est la seule commune de plus de 200 000 habitants à ne pas posséder de tramway (arrêté en 1952) et qui a privilégié l’implantation du métro.
L’aménagement du tramway semble avoir un impact sur les mobilités urbaines. Les avantages et les inconvénients que ce mode de transport représente sont autant d’enjeux pour son implantation qui doit être réfléchie car le tramway doit remplir son rôle de desserte et d’aménagement de la ville à la fois.
Consultez également notre cartographie enrichie par Loïc Haÿ : http://www.thinglink.com/scene/525593452633653250
Bibliographie :
ADEME [collectif] (2008), Efficacités énergétique et environnementale des modes de transport, Angers, ADEME, 2008, 29 p.
Brunet R. (1990), Le déchiffrement du Monde / Théorie et pratique de la géographie, Paris, Belin, coll. Mappemonde, 2001, 401 p.
Bu L., Fontanès M., Razemon O. (2010), Les transports, la planète et le citoyen / En finir avec la galère, découvrir la mobilité durable, Paris, Rue de l’échiquier, coll. Les petits ruisseaux, 2010, 192 p.
Foot R. (2009), « L’intrigante nouvelle disparition du tramway en France », in Flonneau M., Guigueno [dir.], De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité, Rennes, PUR, 2009, pp. 315-326.
Gagnière V. (2012), « Les effets du tramway sur la fréquentation du transport public / Bilan des agglomérations françaises de province », in Revue Géographique de l’Est, vol. 52, Nancy, Association des Géographes de l’Est, 2012, 12 p.
Li S. (2011), Coûts de transport en commun pour l’application numérique sans le modèle monocentrique, Document de travail, Marne-la-Vallée, Laboratoire Ville Mobilité Transport, mai 2011, 13 p.
Richer C., Hasiak S. (2012), « Des tramways contre-nature ? Regards croisés sur les processus de décision des projets de TCSP de l’arc Sud de l’aire métropolitaine lilloise », in Revue Géographique de l’Est, vol. 52, Nancy, Association des Géographes de l’Est, 2012, 18 p.
Stambouli J. (2005), « Les territoires du tramway moderne », in Développement durable et territoires, n° 4, Lille, association Développement durable et territoires, 2005, 18 p.